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AUTOUR D'ICI : le blog d'olivier goetz
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AUTOUR D'ICI : le blog d'olivier goetz
30 décembre 2008

L'art de chanter une chanson

en hommage à un livre de la grande chanteuse Yvette Guilbert…

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Le sujet pourrait sembler frivole. Il n'en est rien.
La chanson ressortit au domaine de la culture populaire. Mais les frontières entre culture savante et culture populaire sont d’autant plus floues que la culture moderne et l’art moderne ont travaillé à en brouiller le tracé.
Les racines de la chanson sont celles-là mêmes de la poésie. Beaucoup de poètes  du XXe siècle ont reconnu la parenté de leur poésie et de la chanson… « La poésie ne m'est rien qui ne chante pas », écrit Etiemble dans sa préface au Roman inachevé d’Aragon…
La première littérature française : la chanson de geste, la Chanson de Roland, par exemple. Au Moyen Âge, à la Renaissance, la poésie est toujours chantée (Ronsard, etc.). Un tel constat donne toute leur légitimité aux compositeurs-interprètes de notre temps qui ont mise en musique les poèmes d’Aragon, Baudelaire, Paul Fort, Verlaine ou Rimbaud (je pense à Brassens, à Léo Ferré et tant d’autres…)

Assimiler complètement la poésie à la chanson reste problématique. Ce n’est pas exactement mon propos.  Disons simplement que la chanson place la poésie sur un plan d'oralité. C’est une poésie oralisée, proférée. gestualisée… Et dès lors que l'on dit les vers à haute voix… on est dans quelque chose d’un peu chanté. Par exemple, lorsque Apollinaire dit lui-même son poème « Le pont Mirabeau ».

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L’histoire des spectacles n'est pas une histoire littéraire, ni  une histoire de l’art, au sens classique du terme.
Il s'agit plutôt d'une histoire technique et d'une histoire sociale. Ce ne sont pas des critères esthétiques qui déterminent ce qui est bon et intéressant. La valeur de ce qu'on étudie ne repose pas sur des  critères de goût. Il s'agit, très modestement, d’étudier les phénomènes, et de considérer ce qui a eu une existence reconnue, comme digne d’intérêt.

Dans un ouvrage important intitulé : Le Spectaculaire dans les arts de la scène, du Romantisme à la Belle Époque, j’ai publié une petite étude sur "le spectacle de la chanson à la Belle Époque". La question de la chanson me semblait, en effet, représentative de la problématique illustrée par l'ouvrage. Il s'agissait d'aborder la production théâtrale et musicale de cette période (entre 1850 et 1914) non pas tant sous l'angle des œuvres écrites (texte ou musique) que sous celui de la représentation et de la mise en œuvre spectaculaire.
Le mot « spectaculaire » mérite une petite explication. C’est un mot formé sur « spectacle », tout ce qui ressortit au spectacle est spectaculaire. Mais quand on dit de quelque chose est spectaculaire, ça veut dire que quelque chose émerge, fait saillie dans le paysage, comme le « clou » d’un spectacle, on parle d'un moment  extraordinaire, remarqué et salué par les spectateurs (qu'ils assistent ou non à l'événement).
De là à considérer le spectaculaire comme un artifice tape à l’œil… le pas est vite franchi.

À la fin du XIXe siècle, les entrepreneurs de spectacles (quel que soit leur domaine exact) aspirent  à appliquer les progrès techniques dont leur époque est prodigue. Ils rivalisent d’ingéniosité pour produire sur la scène le plus de spectaculaire possible.
Si elle attire la foule, cette surenchère d’effets spéciaux entraîne aussi une réaction de rejet de la part d'une partie des artistes d'avant-garde et de la critique esthète…
Par exemple (et pour ne donner qu’un seul exemple) la réaction de Jacques Copeau au Vieux Colombier, dans les années 1910, qui proclame que la réforme du théâtre passe par le retour au "tréteau nu". Il faut appauvrir ce qui est trop riche pour luter contre la corruption artistique du théâtre… 

Je ne sais pas si ce qu'on appelle la Belle Époque a  vraiment été une belle époque. On peut contester le terme d'un point de vue politique et social. Mais ce fut une époque très brillante. Encore faut-il savoir de quoi on parle. La vie des grandes villes, la « vie parisienne », pour reprendre le titre de l’Opéra-bouffe d'Offenbach sur un livret d'Henri Meillac et Ludovic Hallévy (1874).

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La Belle Époque est avide de spectacle et les recherches sur le plan de l’innovation sont variées. L'invention du cinéma résulte de cette recherche spectaculaire tous azimuts.

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La soif de loisirs et de spectacles entraîne la recherche de nouveaux modes d’expression, de diffusion.

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Entre culture savante (la Comédie Française, l’Opéra) et la culture populaire (les scènes de boulevard, les cafés-concert, les cabarets…), il existe des tensions bien sûr (qu’expriment les artistes) mais peut-être pas autant qu’on le dit dans les manuels. S’intéresser au spectaculaire, c’est adopter le point de vue des spectateurs.

Le divorce entre vie artistique et la vie professionnelle est loin d'être consommé. Et, quant aux batailles esthétiques (entre naturalisme et symbolisme) elles ne sont pas aussi radicales que la présentation scolaire le fait habituellement apparaître. Les affrontements existent surtout au niveau théorique, dans les manifestes qui sont publiés et défendus dans les salons et dans les journaux… Beaucoup moins visibles dans la réalité concrète.


Alors, pourquoi la chanson ? Quel intérêt cela peut-il avoir ?


Aujourd’hui, en ce début de XXIe s., la chanson occupe une large place dans le paysage de la culture et des loisirs. À l’heure de l'i-pod et du MP3, des téléchargements sur Internet (qui s’ajoutent à la technologie du disque, des CD, de la radio et de la télévision, etc.), la musique populaire fait l’objet d’une consommation effrénée. Cette masse de la production musicale est victime d’un certain dénigrement, car elle est identifiée à une culture de masse, véhiculée par la technologie des médias… Mais une histoire des spectacles est bien obligée de prendre en compte de tels phénomènes dont il est certain qu'ils seront considérés avec attention par les générations à venir.

Il y a une interdépendance de la technique et de l’esthétique. On ne chante pas de la même façon avec ou sans micro, par exemple… Quand l’image est vue en gros plan (comme à la télévision), les chanteurs affinent leur apparence… N'en va-t-il pas toujours ainsi dans l’histoire des spectacles ? Shakespeare écrivait des pièces pour la scène élisabéthaine, sa dramaturgie est ainsi formatée… Le théâtre dépend étroitement des salles de spectacle, les formes spectaculaires s’adaptent aux dispositifs mis à leur disposition. 


Il me semble intéressant de tenter une archéologie de la chanson moderne. Cette démarche relève de l’histoire culturelle. Une histoire modeste, l’histoire des petits objets, des petits événements qui tiennent une place considérable dans la vie quotidienne. Bien sûr, cette petite histoire est en lien avec la grande Histoire. Elle n’en explicite pas la signification. La chanson ne donne pas le sens de l’histoire, mais elle en donne, tout au moins, la saveur.

Un exemple :

Le XIXe siècle, c’est la révolution industrielle, révolution que les arts du spectacle subissent de plein fouet. Impact médiatique des nouvelles inventions.


Il faut signaler l'existence d'un site Internet tout à fait remarquable, consacré à la chanson française. On pourra y entendre la plupart des chansons que je cite ici. Ce site est celui de l'unedap.

Gare les rayons X

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Paroles : René de la Croix-Rouge - musique : Antoine Queyriaux. Chanson créée par Yvette Guilbert
Chantée par Rollini (cylindre Pathé n° 1400, cire noire, format standard, vers 1902) :

Les rayons X sont certainement
Une lumière très commode
Pour contempler secrètement
Les p'tites femmes à la mode

Ces rayons vraiment polissons
Font voir son mystère,
Les bourrelets, les faux nichons
Et l'bouton d'la jarretière

Il paraît que ça passe
A travers tout partout partout
Ça passe et ça repasse
Dans les p'tits trous partout partout
Et l'on n'a pas même le temps d'y penser
Qu'on est déjà rayon, rayon, rayonnixé !

Par ce procédé peu discret
Les douanes dans toutes les gares
Regardent si vos endroits secrets
Ne contiennent pas d'cigares

Mais vous resterez vraiment baba
Quand un douanier sévère
Aperçoit des blagues à tabac
Dans l'corset d'votre belle-mère.

Il paraît que ça passe
A travers tout partout partout
Ca passe et ça repasse
Dans les p'tits trous partout partout
Et l'on n'a pas même le temps d'y penser
Qu'on est déjà rayon, rayon, rayonnixé !

Il n'y a qu' le métal pour résister
A ces rayons bizarres
Les pt'its femmes afin de protester
V ont s'faire nickeler dare dare

Les d'mi mondaines se f'ront dorer
Mais les femmes sans galette
S'ront forcées d'se faire étamer
Des pieds jusqu'à la tête

Il paraît que ça passe
A travers tout partout partout
Ca passe et ça repasse
Dans les p'tits trous partout partout
Mais quand tout le monde sera métallisé
On n'pourra plus rayon, rayon, rayonnixer!

D'un point de vue historique, nous avons ici un double témoignage : à la fois la technique de l’enregistrement et la technique des rayons x. C’est typique de l’époque. On s’émerveille de tous les progrès. Les inventions produisent une excitation générale qui est aussitôt captée par l’industrie du spectacle.

La chanson comme objet culturel.

Car, qu’est-ce, finalement, qu’une chanson ? je dirais trois choses :

- C’est un composite comprenant : paroles et musique (ces éléments ne sont pas toujours indéfectiblement liés ensemble : on peut se souvenir de l’air et avoir oublié les paroles), chanter le Chant des partisans bouche fermée… La mémoire des mots  « Ami entends-tu le bruit sourd du pays qu’on enchaîne …»  est fixée par la mélodie. On peut apprendre des langues en chantant, ce n’est pas la même zone du cerveau qui travaille. On fixe des mots sur de la musique !

- C’est une interprétation (et donc, c’est une pratique) : la mise en jeu d’une faculté humaine (la voix timbrée, mélodique et rythmée). La chanson existe dans le temps où elle est proférée (à l’occasion d’une sorte de rituel). Un interprète peut se substituer à un autre… Tout le monde peut s’emparer d’une chanson…

- C’est une mémoire. La chanson ressortit à la culture orale. La seule part d’oralité qu’il reste dans notre civilisation largement dominée par l’écrit. Mnémotechnie de la chanson. Un illettré peut connaître beaucoup de très longues chansons (culture orale, les aèdes de la Grèce antique, les peuples sans écriture, les banlieusards analphabètes, etc.). Et cette mémoire peut être très précise. En même temps, une culture orale est vivante, non fixée. La chanson est un savoir incorporé. [La chanson n’est vraiment fixée que dans la musique savante (partitions, notations) ou, depuis une date assez récente, avec les enregistrements.]


Ainsi définie, la chanson est un objet considérable, qui possède sa propre puissance, sa propre efficacité.

Puissance ou efficacité de la chanson
Car tout le monde aime chanter.
Le pouvoir évocateur de la chanson est gigantesque…
- Chanter, c’est s’évader dans un monde poétique.
- C’est aussi disposer d’une arme qui peut s’avérer redoutable.
Par exemple : « ah ça ira, ça ira, ça ira… »… tout le monde connaît ça
Qu’est-ce que c’est ?
Trois mots « ah » « ça » « ira »
Deux notes !
Ça ne veut absolument rien dire, ces trois mots là ! et pourtant… replacée dans le contexte historique, les connotations sont inépuisables… En arrière-plan, un entrain communicatif, un élan révolutionnaire, la mémoire d’un événement…

La forme chantée porte l’imaginaire poétique du peuple mais aussi ses aspirations politiques et sociales.
« La chanson, comme la baïonnette, est une arme française », dit Jules Claretie…

Toutes les chansons sont porteuses d’un contexte historique, d’un contexte social… Le temps passe, les chansons demeurent.

Toutefois, je me garderai pour ma part de n’aborder la chanson que sous le biais de l’engagement et du message poliltique.


Beaucoup de chansons, et de très belles chansons, ne veulent à peu près rien dire : « A de très rares exceptions près, le refrain à la mode, dont les oreilles parisiennes sont rebattues, n’est ni le résultat d’un fait politique, ni une satire ; encore moins un enseignement. Il naît on ne sait comment et s’envole, soit du théâtre, soit de l’atelier, soit de la rue. C’est le plus souvent un couplet banal qu’une heureuse phrase musicale met en évidence ; quelquefois un vers burlesque qui prête au double sens ; enfin, ce n’est, la plupart du temps, qu’un mot, une rime, que sais-je ! quelque chose d’indéfinissable, d’explosible comme la foudre, de prompt comme l’éclair et surtout de communicatif comme le mauvais air » (Henri Gourdon de Genouilhac, Le Refrain de la Rue, de 1830 à 1870, Paris, Dentu, 1879)


Une tradition française qui remonte aux fabliaux du moyen âge. Des grossiertés un peu absurdes (ou un absurde souvent grossier)

Henri Davenson (pseudonyme de Henri-Irénée Marou) croit pouvoir affirmer que la qualité d’une chanson est le résultat d’un processus d’évolution qui fait que « inconsciemment, la chanson populaire atteint au style ». Les retouches, inconscientes ou non, ont travaillé dans le sens d’une expression plus dense. Cette direction est souvent celle du contre-sens ou du non-sens.

Dans le folklore traditionnel, on chante des chansons dans différentes occasions :
Au travail (les lavandières, les moissonneurs, les marins…)

La vie citadine produit son propre folklore, un folklore urbain, en quelque sorte, dont l’inspiration semble plus libre, et les thématiques plus variées… Charles Nisard  distingue la « Muse pariétaire » et la « Muse foraine », représentant respectivement la chanson des rues et la chanson des cafés-concert. Il semble évident que la première précède la seconde. Or, c’est la seconde qui nous intéresse ici. Ce qui suppose que nous fassions, d’abord, un petit peu d’histoire.

Un peu d’histoire

C’est avant même la Révolution française que s’ouvrent à Paris les premiers cafés qui proposent à la clientèle d’entendre de la musique tout en consommant.

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En 1731, création du Caveau, qui est la première société chantante. Société bachique et poétique, fondée en  1729 par Crébillon père, Piron, Collé, Rameau etc. où l'on s'occupait de petits vers, d'épigrammes, et surtout de chansons. Dispersée en 1739, elle se reconstitua en 1759, puis, après une nouvelle dispersion, en 1796,  et sous le nom de "Caveau moderne" en 1805, avec Desaugiers pour président.

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En 1733, les Dîners du Caveau réunissent un groupe d’auteurs à la mode : Piron, Crébillon fils, Collé, Panard… Compagnie de beaux esprits, tous épicuriens .

Après la Révolution, les établissement se multiplient et leur succès grandit. Boulevard du Temple (quartier populaire : le boulevard du crime,

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le lieu du plaisir spectaculaire, celui qu’on voit dans les Enfants du Paradis de Marcel Carné)

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et au Palais Royal (quartier élégant mais, surtout, lieu de plaisir, où l’on croise muscadin et courtisanes…) Connus sous l’appellation « musicos », ils sont les ancêtres du Café Concert.

Sous le Directoire, la foule se presse au Café des Aveugles, installé au palais Royal, dans le sous-sol du café Italien, il réunit une demi-douzaine d’aveugles. « Il y a dans ce café un grand orchestre composé d’aveugles, parmi lesquels se trouve un assez bon violon, et une femme qui crie du haut de sa tête au lieu de chanter, et à laquelle on est souvent obligé de demander la sourdine ; le café n’ouvre qu’à 5 heures, c’est le rendez-vous de toutes les filles du jardin, écrit Louis-Marie Prudhomme dans son Miroir de l’ancien et du nouveau Paris (1807)

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Le café du Sauvage qui attirait, quant à lui, par l’exhibition d’un individu avec un anneau dans le nez et des plumes sur la tête, feignant de dévorer des quartiers de chair humaine.

D’autres curiosités, comme des géants ou des femmes à barbe pouvaient servir de réclame à ces cafés qui empruntent à la foire son goût des attractions.

Sous l’Empire, (1804-1814) les cafés-concerts furent purement et simplement prohibés. Interdiction que maintint la Restauration (1814-1830)

Ils réapparurent, sous le règne de Louis Philippe (1830-1848), autour de 1830, surtout aux Champs Elysées.

Cette réapparition coïncide avec l’intérêt que portent les écrivains romantiques à la chanson qui représente pour eux « ce que la pensée immanente du peuple de France a conçu de plus vivace, de plus durable et de plus intimement confondu avec le génie national ».

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Une figure nationale va jouer un rôle considérable dans l’histoire de la chanson française. Celle de Béranger. Pierre-Jean de Béranger (1780 – 1857) est la figure marquante de l’art de la chanson durant toute cette période qui précède le café-concert proprement dit.
Un chansonnier-poète que le peuple reconnut comme son héros et son porte-parole.
Esprit voltairien et laïque, républicain mais admirateur de Bonaparte, il connut quelques déboires durant la Restauration. Il passa même quelques temps en prison, ce qui accrut encore sa notoriété.
La figure de Béranger nous permet de comprendre une première attitude du chanteur et un premier art de chanter.

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Il incarne la passage du Caveau à la Goguette…

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Béranger présida lui-même le Caveau Moderne à partir de 1814.

Mais ce Caveau est loin d’être un lieu populaire.  Ce sont de fins lettrés qui s’y réunissent et qui y font des dîners épicuriens, où ils chantent les chansons qu’ils ont composés.

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Les auteurs publient leurs chansons dans des Almanachs spécialisés : Chansonnier des Muses, Almanach des Muses, selon le principe du Vaudeville (les paroles sont chantées sur des airs connus)…

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« On entend par les mots air ou timbre, la désignation d’un air, ou le premier vers, quelquefois le dernier, de la chanson pour laquelle l’air a été composé.

Nous avons adapté aux chansons de ce Recueil des numéros entre parenthèses, qui renvoient aux mêmes numéros de ce choix d’airs ou timbres. »

Le groupe se réunit tous les 20 de chaque mois au Rocher de Cancale

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Le Caveau moderne se veut apolitique. On y célèbre l’amour, le vin, le rire et… la chanson. Point final. Si bien qu’on peut stigmatiser le Caveau d’un conformisme petit-bourgeois.

Il n’en va pas de même des Goguettes qui commencent à fleurir, nombreuses, à partir des années 1820. La naissance du mot Goguette date de l’Empire. En 1813, rue des Bons-Enfants, une société chantante est connue sous le nom de « La Goguette ». Etymologie ? « Goguette » semble venir du vieux mot français « Gogue (XIIIe , XIVe s.) : Bombance, plaisanterie. D’où goguer, faire bombance et se moquer.

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Voici ce qu’écrit le comte Anglès, Préfet de Police, à propos des goguettes : « Ces réunions, qui toutes prennent des titres insignifiants, en apparence, sont composées d’individus animés en général d’un très mauvais esprit ; dans la plupart, on chante des chansons, on lit des poésies où, à la faveur et sous le voile de l’allégorie, le gouvernement, la religion, les mœurs sont outragées, les choses et les personnes également attaquées, menacées ».
C’est dans les goguettes que prend naissance la chanson sociale. Lieu d’agitation politique intense.
Béranger y est considéré comme un poète national. 

En 1831, création d’une société chantante : la Lice chansonnière dont les membres se réunissaient le jeudi. Chacun avait le droit de fumer, boire et chanter. Sur les murs des étendards tricolores, gage de patriotisme (Louis-Philippe). Dès l’origine, libre-penseuse, frondeuse, d’esprit libéral voire démocratique et républicain. Devient le chef de file des goguettes. Elite des chansonniers populaires. Pourchassée par la police, la Lice change plusieurs fois de lieu. :

« La Lice comme un chien errant
manquait de gîte et de saucisse.
Le plus imprudent pourvoyeur
ne lui disait qu’avec frayeur :
bois, mange et surtout
ne chante pas beaucoup ;
ça réveillerait la police ! »

La Lice subsista jusqu’en 1904 !
Elle accueille notamment des Communards et Eugène Pottier, auteur de l’Internationale.

Sous la Restauration, les goguettes se nomment :
Le Gigot, Les lapins, Les Oiseaux, les Gamins, Les Francs-Gaillards, Les Joyeux, Les vrais Français, Les Amis de la gloire, Les Grognards…

Lisons ce que le chansonnier Vinçard écrit dans ses mémoires :

« A cette époque, tout concourait à exciter et à entretenir notre ardeur poétique. C’était en 1818, alors que s’établissaient dans plusieurs quartiers de Paris des Sociétés chantantes dites goguettes. Elles fonctionnaient librement sans autre autorisation que celle, tacite, du commissaire de police… Ce qu’il y a de positif, c’est que la plus grande indépendance était laissée à ces réunions, toutes composées d’ouvriers. On chantait et l’on déclamait là toutes sortes de poésies, sérieuses ou critiques, et parmi ces dernières, les attaques contre le gouvernement et contre l’Église ne manquaient pas. Les couplets patriotiques de Béranger y étaient accueillis avec enthousiasme ; il eut des imitateurs, non pas de son admirable talent, mais des pensées généreuses que ce grand poète savait si bien exprimer… Quant à ces réunions chantantes, ou goguettes… il faut reconnaître qu’elles étaient, à cette époque, des écoles puissantes d’enseignement patriotique. C’est dans ces réunions que les ouvriers de Paris allaient puiser l’amour de nos gloires nationales et des libertés publiques. C’est dans les belles épopées de Béranger que le peuple retrempa ce courage héroïque qui lui fit accomplir en trois jours cette révolution providentielle de 1830… Si l’on réfléchit aux conséquences qui devaient en résulter, on constatera que c’était bien la première étape de la marche progressive de l’intelligence populaire . » 

Chanson de Debraux :

Ici sans crainte d’anicroche
tous les samedis en flânant,
accourez, faites bamboche,
mais comportez-vous décemment.
En fouillant à votre escarcelle
il vous est permis en ces lieux,
pour échauffer votre cervelle,
de déguster tous les vins vieux.
Si vous n’y bourrez pas votre ventre,
vous y pourrez tout doucement
vous enivrer comme des chantres…
Puisqu’ici l’on admet les belles,
puisqu’ici doit entrer l’Amour, -
je vous le conseille, auprès d’elles
poussez un petit doigt de cour…
A chacun la porte est ouverte,
entrez, lurons, entrez, Français …
Entrez, amis de la justice,
franc buveur, chansonnier charmant ;
entrez même, agent de police,
mais comportez-vous décemment.

La chanson de goguette est très vivante, elle aborde tous les sujets. Elle est surtout empreinte de gaîté naturelle, de tradition rabelaisienne. Souvent satyrique. Parfois lyrique..

Une goguette fondée en 1841 (par Charles Gille, un ouvrier corsetier) s’intitule la Ménagerie.
Séances hebdomadaires ne peuvent commencer que lorsque 13 « animaux » sont réunis. Pour rappeler au silence ces « animaux » trop bruyants, le président criait « Carter ! Carter », du nom d’un célèbre dompteur de l’époque. Et pour donner le signal des applaudissements : « Animaux, à nous les pattes ». Gille était membre d’une société secrète républicaine. Sous des dehors presque innocents, il y a une contestation souterraine dont se méfie la police. Les Goguettes sont parfois des couvertures légales pour des sociétés clandestines.

On connaît aussi l’Enfer (nommé ainsi par bravade anti-cléricale) :
« Nous allions souvent dans une grande réunion chantante qui tenait ses séances rue de la Grande Truanderie. Cette société rassemblait un nombre considérable d’ouvriers ; chacun des membres reçu en qualité de Démon était baptisé d’un nom en rapport avec l’institution… Le lieu des séances s’appelait la Grande Chaudière ; « jouer des griffes » signifiait applaudir… J’y rencontrais beaucoup de républicains, avec lesquels je nouai des relations intimes, espérant parvenir à les détacher des Sociétés secrètes auxquelles la plupart appartenaient… La police finit par s’en inquiéter sérieusement, car elle ne se composait plus seulement d’ouvriers : des étudiants du quartier latin vinrent s’y joindre, lesquels, à leur tour, attirèrent quelques bourgeois républicains. » (Vinçard, op. cit.).
La police perquisitionna et la société fut dissoute.


Les goguettes sont le lieu d’un affrontement entre l’opposition démocratique et la police. Il faut les imaginer infestées de mouchards.

On chante et on contourne la censure :

Censeurs, loin de vos débats,
nous chantons votre sottise ;
surveillez bien nos ébats,
ou craignez une surprise.

(Joseph Landragin, ibid., p. 18)

Jusqu’en 1830, les chansonniers sont généralement de petits bourgeois qui ont viré à la vie de bohème. Ils ont une instruction solide, bibliothécaires, professeurs de collège, exercent aussi des professions libérales.

Après 1830, ils sont d’origine plus populaire. Ils viennent du monde du travail. Certains sont autodidactes.

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De la goguette à la guinguette

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La grenouillère, près de Chatou, au bord de la Seine

De la chanson politique à la chanson sentimentale, voire grivoise, il n’y a qu’un pas. On passe ainsi de la « goguette » à la « guinguette ». Les guinguettes étaient des cabarets des faubourgs où le peuple travailleur se réunissait les jours de fête. Pas la même étymologie que goguette :

guinguette, viendrait de giguer ou ginguer : danser la gigue, d’où, peut-être, l’argot guincher, danser, en même temps que l’endroit où on danse : la guinguette.

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1848 constitue une date importante. Pendant 5 mois, il n’y a plus de censure théâtrale. Peu à peu, les meilleurs cafés chantant deviennent les « Cafés concerts » et, même, les « caf’conc ». Les goguettiers s’y installent pratiquement tous les soirs.
Après la révolution, sous la deuxième République, il y a beaucoup de chômeurs. En plein hivers, l’un deux, loue un local dans le passage Jouffroy, sur le boulevard Montmartre. Il dispose quelques tables autour d’une estrade et d’un piano. Il baptise son établissement : l’Estaminet lyrique.

On vient y boire et y fumer, écouter des chanteurs amateurs.

Un jour, l’un d’eux interprète « le Départ du Conscrit ». Un énorme succès. Son nom était Lemaire, mais son nom de scène : Joseph Darcier.

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Un acteur. En quelques jours, c’est un triomphe, tout Paris veut l’entendre. Il est devenu la première grande vedette du Café Chantant. On le surnomme le Frédérick Lemaître de la chanson, le « ténor du peuple ».

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Darcier était un homme du peuple, chantant pour le peuple. Son grand succès était « le Pain » chanson réaliste qui évoquait la misère d’un village crevant de faim en temps de guerre. Darcier a donné ses lettres de noblesse au genre du café chantant que les Parisiens allaient définitivement baptiser « café concert ».

L’histoire du café-concert, à proprement parler, commence donc en 1848. Abolition de la censure théâtrale (ça ne durera que quelques mois). Mais c’est une prise de conscience et un élan formidable.
On peut ensuite poser quelques jalons de l’évolution du café-concert :


- 1851 : apparition de l’exploitation de la propriété artistique.

En 1791, Beaumarchais a fait promulguer une loi stipulant que « nul ne peut, sans l’accord exprès et formel des auteurs ou de leurs ayants droit, représenter ou reproduire publiquement leurs ouvrages ». Cette loi lui permit de fonder une agence chargée de percevoir un pourcentage sur les recettes de théâtre. En 1851, la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) perçoit des droits semblables auprès des bals, des cafetiers publics, et même des églises. Fait considérable qui modifia de fond en comble l’organisation commerciale des divertissements populaires. Les auteurs de chansons peuvent vivre de leur production. Le professionnalisme en matière de chanson est admis, la personnalité de l’auteur reconnue, ses intérêts protégés. Avant, seul l’interprète, c’est-à-dire le commerçant propriétaire de l’établissement dans lesquels les chansons étaient interprétées tiraient profit du talent d’autrui. Dès lors, la Société des Auteurs prélèvera sur les recettes les droits destinés à la rémunération des auteurs et des compositeurs et aussi des éditeurs.

En 1866, la SACEM répartit 380 000 francs entre 160 sociétaires. 20 ans plus tard, en 1886, 4000 auteurs compositeurs se partagent plus d’un million de francs
En même temps, spéculation, etc. Il existe désormais un commerce de la chanson.
Professionnalisation qui se fait au détriment des artistes ambulants.


- 1867 : L’ordonnance Doucet abolit l’interdiction du costume.
Jusque là, les artistes devaient se présenter en tenue de ville. En frac pour les hommes et en robe à crinoline pour les femmes. A l’exclusion de tout accessoire (les comiques détournent la loi en utilisant des chapeaux caractéristiques). Officiellement, seule la musique instrumentale et vocale était admise (pas de mélange des genres). 

Un certain M. Lorge, fit du café-concert un véritable spectacle de variété qui dessine une évolution  vers le music-hall. M. Lorge avait repris l’Eldorado du faubourg Saint-Denis dont il allait faire un temple du caf’-conc’.
Il a commencé par supprimer la « corbeille » [Pour meubler la scène, une invention originale. On y plaçait de belles jeunes femmes, les « poseuses », censées écouter le spectacle en adoptant des attitudes élégantes. C’est aussi ce qu’on appelle la « corbeille » (le mot est resté dans les théâtres pour désigner le premier balcon) Cela donnait au café concert, l’apparence d’un salon mondain.] et, engagea à partir de 1867, Mlle Cornélie, de la Comédie Française.
Celle ci déclamait des vers du répertoire classique

Il s’agissait d’élever le niveau du spectacle où, pour le prix d’une consommation, les spectateurs pouvaient profiter des joies du théâtre officiel.
Le costume moderne étant encore de rigueur, il y avait un décalage très moderne entre le rôle et l’acteur !

Les théâtres furent outrés, on transgressait la loi et on abaissait le répertoire en le présentant dans ces lieux indignes des classiques ! Scandale = publicité. La presse prend parti en soutenant Lorge.

Le 31 mars 1867 le décret supprime les privilèges et autorise le nouveau spectacle à la mode à utiliser décors et costumes et à présenter des piè§ces dialoguées, des spectacles de danse, des numéros d’adresse et des pantomimes.
« Pour quelques sous, dit Jules Vallès, on a un luxe de millionnaire sous les yeux ».
L’ordonnance Doucet entraina un bouleversement général.
Le nombre des salles doubla en quelques mois.
Le caf’-conc’ allait pouvoir devenir le music-hall. Transformation effective qui n’eut lieu qu’à la fin du siècle.
Les directeurs sont désormais capables de faire la gloire de leurs vedettes et des lancer des « idoles ».

- Une dizaine d’années plus tard, l’invention du phonographe.

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On en crédite toujours l’Américain Edison. Mais, en 1877, un savant farfelu, un poète inspiré (membre du club des Hydropathes fondé par Goudeau), bref un doux génie, qui plus est habitué du cabaret du Chat Noir, Charles Cros, dépose un pli cacheté à l’Académie des sciences. Avant Edison, c’est donc un poète de Montmartre qui signe l’invention du premier « paléographe », invention qui allait bouleverser le monde des chansonniers.


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L’invention est capable de faire réentendre des sons qui appartiennent au passé, comme ces « paroles gelées » d’Eugène Pottier (l’auteur de l’Internationale) : « Articulées / Par les grands froids / Les paroles se sont gelées […]/ Ah ! quand les paroles / Dégèleront / Que nous en entendrons de folles / Ah ! quand les paroles / Dégèleront / Les oreilles nous tinteront ».

Célébration du gramophone, d’abord cylindre de cire, puis disque de bakélite. Il faut écouter l’apologie publicitaire des disques « A.P.G.A. » chantée par Fursy.


A.P.G.A., A.P.G.A., A.P.G.A., Voilà      !
Le véritable phonographe !
A.P.G.A., A.P.G.A., A.P.G.A., Voilà !
Voilà le seul qui restera !

- Enfin, en 1893, Paris se déchaîna à propos d’un succès importé de Londres : Tara Boum di hé. C’est l’apparition d’une forme cosmopolite de la chanson qui allait ensuite proliférer grâce au Music Hall. Le Music-Hall fut mis au point à Londres, il y fut baptisé. Les spectacles de chanson ont rapidement eu un caractère international. Les influences anglaise et américaines furent prépondérantes
- Un chanteur de cette époque, Fragson,  chante en anglais (déjà)


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- La guerre de 14 signe la fin d’une période, aussi pour la chanson.

Les cafés-concerts et les music-halls, à quelques rares exceptions, se transforment en cinéma.
Au XXe siècle, la chanson reviendra principalement avec le cinéma sonore (dans les premiers films, il y a toujours des chansons), avec l’industrie du disque, puis avec la radio et la télévision. Ces vecteurs vont donner une nouvelle popularité aux vedettes. Et une audience internationale.

On peut donc dire que le Café-Concert dure un bon demi-siècle. De 1848 à 1914.
Ce type d’établissement ayant disparu, il n’est pas facile pour nous d’imaginer en quoi consistait le plaisir spécifique des spectacles qui y étaient donnés.
Reste un mystère. Comment ça marche ? Pourquoi ça marche ? Pourquoi certaines chansons sont si fortes, et inoubliables ? La limite de la recherche scientifique ? Il y a une magie de la chanson. Un charme, surtout. Et une émotion qu’on ne peut pas s’empêcher de ressentir par empathie. Car nous sommes restés chanteurs.

D’où le titre de mon intervention : l’art de chanter une chanson, en quoi peut-on dire que c’est un art spécifique ? Comment peut-on l’analyser ?
L’art de chanter une chanson constitue un geste spécifique.
Ce n’était pas une activité purement musicale.
Plutôt un plaisir social. Au coût raisonnable. Le public en était mélangé. Populaire et bourgeois.  Un brassage intéressant.
Pas seulement un art musical. Les chansons et les interprètes sont parfois, sur ce plan, assez indigents.
Plus, parce que le plaisir n’est pas que musical, c’est un spectacle d’exhibition qui tient de la foire et du cirque…
Vers 1850, Les Franconi avaient installé sur le Carré-Marigny une succursale en toiles du Cirque olympique du boulevard du Temple.
Juste à côté s’élevait une petite guinguette fleurie qui s’appelait le Café du Bosquet, surnommée par les Parisiens : le Concert de la corde (parce que l’orchestre était séparé du public par une simple corde). Le trombone y était tenu par une femme aux formes généreuses que les habitués nommaient « la grosse Louise ».

Entre deux morceaux d’orchestre, Louise poussait la romance.

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Elle partageait les faveurs du public avec un certain Fleury, plus gros qu’elle encore, et vêtu en chiffonnier burlesque qui avait un unique et grand succès : « le chiffonnier de Paris ». Fleury faisait aussi des pitreries, c’est un des premiers comiques du café chantant.


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Car ces chanteurs sont des clowns, des acrobates, parfois…

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Au Café Moka, établissement soigné, la grande sensation était la belle Mme Mathieu, épouse du propriétaire, qui laissait voir ses charmes à la demande de certains consommateurs. Premier pas du strip-tease.
Au Grand Concert des Arts, présentation d’un géant.
Ou encore, Mlle Adeline, chanteuse travestie dont les contemporains soupçonnaient qu’elle fût un homme…
Série d’images liens entre chanson et exhibition foraine…


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Chaque artiste se démarque en exploitant un talent (une particularité physique, un savoir faire).

Le succès du Café du Bosquet poussa le Bar des Ambassadeurs, qui se trouvait plus bas, à reprendre la formule, à engager un orchestre. La vedette de l’établissement était « l’Homme à la vielle ».

Les cafés-concerts (contrairement aux sociétés chantates) sont des lieux publics.
Ce sont des cafés, on ne paie pas d’entrée.
Le degré zéro du café-concert, c’est le « beuglant » Quartier latin, fréquenté par les étudiants.
Des établissements qui fonctionnaient toute l’année même si l’été reste la saison privilégiée (« nuits chaudes et massifs fleuris » proclame l’écriteau des Ambassadeurs).
Autre agrément « On peut fumer ». L’atmosphère enfumée est une des caractéristiques de ces établissements (comme des premiers music-halls)
Sur l’avenue des Champs-Élysées, sous les ombrages des terres pleins qui les bordent, de la place de la Concorde au Rond-point. A l’époque, c’était encore un endroit excentré (qui est devenu le centre aujourd’hui). Propice aux promenades. Attire les métiers forains (tout comme le boulevard du crime)

Parmi les grandes maisons : Le Concert Morel (illustration) aux Champs-Élysées, le Casino français (galerie Montpensier) le Café de France dont le luxe et la magnificence évoque un somptueux théâtre.
Au bas de l’échelle, il y a sur le faubourg du Temple : L’Epi-Scié, un bouge infame.

En 1858, ouverture de l’Alcazar (rue du Faubourg-Poisonnière) et de l’Eldorado (bld de Strasbourg). Bientôt, le Pavillon de l’Horloge (Champs Elysées), l’Eden-Concert (bld de Sébastopol), le Parisiana (bld Poissonnière), la Scala (bld de Strasbourg), le Moulin Rouge (pl Blanche), l’Alcazar d’été  (Champs Elysées)

Fonctionnement et atmosphère
Entrée libre.
Spectacle permanent.
Mais il faut renouveler les consommations. « On est prié de renouveler »…

L’atmosphère des cafés concerts. Ce sont des établissement public où l’on ne se rend pas seulement pour voir ou entendre quelque chose mais aussi pour passer « un bon moment » : « Quelle odeur mélangée de tabac, de spiritueux, de bière et de gaz ! » s’écrie Louis Veuillot en 1867. « C’était la première fois que j’entrais dans ce lieu, la première fois que je voyais des femmes dans un café, fumant… il passa quelques sujets inférieurs, des petites voix glapissantes, des miaulements, rien qui justifiait la surtaxe du verre de bière. Un ténor chanta je ne sais quoi ; une demoiselle, deux demoiselles  chantèrent je ne sais quoi. Un baryton se fit applaudir. Il avait une jolie voix et la mise la plus funèbre du monde… il chantait :
    Un nid, c’est un tendre mystère
    Un ciel que le printemps bénit !
    A l’homme, à l’oiseau sur la terre,
    Dieu dit tout bas : faites en nid !
Louis Veuillot est mauvais public. Il décrit le public comme sombrant dans une sorte de « torpeur troublée ».

L’estrade des origines est devenue une véritable petite scène à l’italienne qui s’ouvre au fond de la salle, avec fosse d’orchestre. Une galerie avec des colonnes tient lieu de promenoir.

Les tables sont disposées au parterre mais on installe aussi des loges !
Chaleur étouffante. Paulus explique que la coupe de cheveu qu’il a adopté est une mesure d’hygiène. « On s’est étonné de cette coupe à la Titus, généralement peu avantageuse au physique. On a cru à une excentricité de ma part, c’était tout bonnement une mesure d’hygiène. On n’avait pas encore l’électricité sur la scène et je chantais six, huit, dix chansons, dansant, courant, gambillant sans cesse, dans une atmosphère étouffante produite par une rampe de 60 becs de gaz et les bouquets de feu des portants. Il y avait une température qui allait à 40 degrés ! J’imaginai d’alléger ma tête, voilà tout… et je m’en trouvais fort bien »


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Il y a donc une architecture spécifique du caf’conc.
La scène n’est jamais vide. Il y a une institution qu’on appelle « la corbeille » une dizaine de femmes en toilette de bal et rangées en hémicycle. Affriolant tableau, sous l’irradiation multiple des lustres.
« Elles étaient là une demi-douzaine, étalant beaucoup de crinoline, tapotant dessus de temps en temps, minaudant, s’éventant, échangeant entre elles avec un sourire qui me semblait idéal des propos que je jugeais divins et que j’ai su depuis tourner invariablement entre ces deux formules modifiées suivant les variations de l’atmosphère et celles de l’argot : « Il fait rien chaud » et « pour sûr que je pince un rhume »… (souvenirs de collégien de Gaston Jollivet, en 1896.

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En 1862, construction du Grand Palais Chinois.
Mode orientalisante. 2000 places. En forme de pagode.
Tout y était chinois, les costumes des serveurs et même la chanteuse vedette : Mandarine.
On y dégustait l’apéritif maison, un « chinois ». On y avait même trouvé un géant aux yeux bridé.
Ce magnifique « palais » devint, à partir de 1880 : le Théâtre de Ba-Ta-Clan.


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Les vedettes
Les vedettes du caf’conc’ sont très nombreuses,
Nous ne pourrons, dans le temps qu’il nous reste, envisager qu’une ou deux « figures »…

Thérésa

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Une petite modiste, nommée Thérèse Valadon.

A 19 ans, elle chantait, en « gommeuse », au Café du Géant, des « romances filandreuses » comme elle dit elle-même, qui n’obtenaient que peu de succès.
En 1856, elle débute à la Porte-Saint-Martin.
Quelques années plus tard, à l’Eldorado de M. Lorge.
En 1863, Lorge convie quelques uns de ses interprètes, dont à un dîner bien arrosé. Au dessert, Thérésa improvisa, avec l’accent alsacien, une complaite intitulée « Fleur des Alpes ». Elle obtint un prodigieux succès comique.


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En changeant de style (passant de gommeuse à comique) Thérèsa obtint un succès phénoménal.
Théodore de Banville, en parlant d’elle : « La poésie sucrée, on en avait un tel écœurement qu’on voulait à tout prix manger quelque chose qui eût vécu. Ce quelque chose fut la chanson de Thérésa : il se trouva qu’on avait oublié de la faire cuire, mais le public, outré de fureur, ne s’arrêta pas à si peu de chose et l’avala saignante ! »
En tête d’affiche à l’Eldorado, elle gagne jusqu’à quinze cents francs par mois. Elle fait jouer la concurrence et passe d’un café à l’autre pour augmenter ses revenus.
Thérésa marqua exerça une influence marquante sur le café-concert durant un demi-siècle.


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Thérésa n’est pas belle. Elle représente la femme du peuple, la vie telle qu’elle est.

De sa voix grave, elle distille des couples stupides. Certains de ses grands succès : « la femme à barbe » ou « j’ai deux grands bœufs dans mon étable » étaient très célèbres.
A la fin de sa carrière, Thérésa touchait jusqu’à 5000 francs par jour, une fortune pour l’époque.
Certains reprochent la vulgarité, la pauvreté de ses textes mais tout le monde veut la voir et l’avoir.
En 1893, elle donna une représentation d’adieux puis se retira dans une ferme dans la Sarthe (elle mourut en 1913, agée de 76 ans)
Elle ouvre la période des idoles de la chanson populaire, se hissant au niveau des étoiles d’opéra ou de théâtre du boulevard. Elle a écrit ses mémoires.

L’humour introduit par Thérésa est très caractéristique.
C’est complétement absurde, idiot, même, si on veut être méchant.

Et, plus c’est bête, plus ça plaît.

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Toujours ce principe de la scie.

Rien n'est sacré pour un sapeur  (Louis Houssot - Aguste de Villebichot), à l'Alcazar d'Hiver, en 1864

Malgré qu'nous soyons en carême
Rien n'est sacré pour un sapeur !...
Malgré qu'nous soyons en carême
Rien n'est sacré, rien n'est sacré
Rien n'est sacré pour un sapeur !...

La femme à barbe (Élie Frébault - Paul Blaquière), à l'Alcazar d'été, en 1865

Vous pouvez toucher, n'craignez rien
Ça n'vous rest'ra pas dans la main,
Touchez, voyez qu'c'est pas des frimes,
Et ça n'vous coût' que dix centimes.

Entrez, bonn's d'enfants et soldats,
Tâchez moyen d'fair'ployer c'bras :
On f'rait plutôt ployer un ar-be !
C'est moi que j'suis... la femme à bar-be !

C'est dans le nez que ça me chatouille (Hervé), à l'Alcazar d'été, en 1866

Sur terre hélas ! tout n'est pas rose
Hier j'rencontr' un' amie d'pension
Qui m'dit : Tu sais Monsieur Chos' ?
M'a laissé dans un' fauss' position.
Ma foi ! tant pis, faut qu'je m'édbrouill'
Ne parlons plus de ce pandour !...
Et toi ? ... Moi ? ... j'n'crains pas l'amour
C'est dans l'nez qu'ça m'chatouille !

La déesse du Bœuf gras  (Élie frébault et Paul Blaquière), à l'Alcazar d'hiver, la même année

Mes deux biceps sont roug's comm' des carottes
Et mes jarrets, c'est plus dur que du fer
D'mandez-en donc d'pareils à vos cocottes
On n'en vend pas comme ça, ça s'rait trop cher...


Bien des critiques la conspuent : elle fait vulgaire,  peuple, ruisseau. «Il faut être Parisien pour saisir l'attrait de son chant, Français raffiné pour en savourer la profonde et parfaite ineptie.» (Louis Veuillot - Les odeurs de Paris, 1866)

Rossini n'hésite pas cependant à lui faire un clin d'oeil :

La chanson du bébé. «Pêchés de vieillesse» (sur des paroles d’Emilien Pacini, 1861)

Maman, le gros Bébé t'appelle, il a bobo:
Tu dis que je suis beau, quand je veux bien faire dodo.
Je veux de confitures, c'est du bon nanan ;
Les groseilles sont mûres, donne-m'en, j'en veux, maman,
Je veux du bon nanan, j'ai du bobo, maman.
Atchi! Papa, maman, ca-ca.

Bébé voudrait la chanson du sapeur
Dans Barbe-bleue, un air qui fait bien peur.
Maman, ta voix si douce en chantant ça,
Enfoncerait Schneider et Thérésa.
Atchi! Pipi, maman, papa, ca-ca.

Ma bonne, en me berçant, m'appelle son bijou,
Un diable, un sapajou, si j'aime mieux faire joujou.
Quand je ne suis pas sage, on me promet le fouet!
Moi, je fais du tapage, le moyen réussit bien.
Je veux du bon nanan, j'ai du bobo, maman.
Atchi! Papa, maman, ca-ca.


En 1869, Thérésa, au Théâtre de la Gaîté, crée ce qui restera sans doute son plus grand succès :
Les canards tyroliens (Cogniards frères - Musique de Theresa arrangée par Léon Fossey)

Quand les canards s'en vont deux
C'est qu'ils ont à causer entre eux.
Les passants n'y comprennent rien ;
Mais eux. malins s'entendent bien,
Y's'disent comme'ça des jolis riens :
             Coin, coin, coin
Quand c'est des canards tyroliens :
              La y tou, la y tou,
 
Quand les canards s'en vont en tas,
C'est qu'ça leur plaît, ça nous r'gard' pas...


On en écoutera des extraits sur le site de l'unepa (ils ne sont malheureusement pas chantés par Thérésa  elle-même dont il n’a été retrouvé, à ce jour, aucun enregistrement)

Les canards tyroliens - Lioret No. 3 - Paris - vers 1898 :   

Après la défaite française, faute d'engagement, Thérésa doit quitter Paris. Elle se rend à Grenoble puis à Marseille où elle est engagée. -  Elle devait n’y rester que peu, mais dut s'y produire pendant plus de trois mois dans l'attente de la réouverture des théâtres parisiens.  Elle y est de retour  à la fin de mai 1871. 
 
La guerre,  la Commune, sa répression et son cortège de misères  incitent Thérésa à se tourner, sans renier son répertoire de franche gaîté (elle allait créer La femme canon de Clairville sur une musique d'Auguste de Villebichot en 1877), vers des chansons plus réalistes ou, plutôt, humanistes. En un instant, elle sait, en changeant son attitude, ses gestes, glisser vers un autre répertoire. Elle peut alors chanter les choses les plus réalistes, proche des soucis du peuple dont elle sait se faire porte parole, et osées aussi : la prostitution, la sexualité, voire la triste obscénité. Elle chante sans choquer – sans en «avoir l’air» - car elle reste «honnête» dans ses dires. C’est alors qu’elle apparaît souvent comme une menace à l’ordre social. Cependant on ne peut rien retenir contre elle : tout est très décent (du point de vue de la censure) mais ses sous-entendus, ses gestes, en disent bien plus, avec un réalisme cru. Cette leçon fera long feu auprès de la génération suivante, dont Yvette Guilbert est le plus brillant exemple.


Les enfants et les mères
(Jules Jouy et Henri Chatau) en  1888, à l'Eldorado :

Alors faisant des rêves d'or

Pleins de merveilles, de chimères
Dans ses langes, bébé s'endort.
Les enfants font chanter les mères...


(Mercadier sur un enregistrement de cette chanson, dix ans plus tard, en 1898)

Et pendant de longues années, encore, Thérésa continua de cultiver son image populaire et sympathique de la chanteuse bonne vivante et sincère, puis, à 56 ans, estimant qu'elle avait assez chanté, elle décide de prendre sa retraite. - Sa représentation d'adieu, elle la fait au Théâtre de la Gaîté à l'automne de 1893.

En 1894, elle remonte un soir - ou peut-être quelques jours - une dernière fois en scène. –

Au Chat Noir. -  Armand Masson est là. - Il écrit dans le Journal  de cet établissement : 


Or, ce jour-là, ce fut au Chat Noir grande fête :
Dans la petite salle où naquit maint poète
La bonne Thérèsa, reine de la chanson
Ce jour-là parmi nous vint chanter sans façon ;
  (...)
...ce drame immortel,
Ce poème saignant de l'amour maternel
Qu'écrivit Richepin dans un jour de génie,
"La Glu". Le cœur serré d'une angoisse infinie,
J'écoutais dans un coin, très humble. Elle chantait
Je ne sais même plus si l'on applaudissait ;
Mais la salle vibrait tout entière avec elle,
Et la chanteuse en eut une émotion telle
Qu'elle se prit soudain à pleurer avec nous.

En 1895, elle se retire dans la Sarthe - on la dit très riche.

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Thérèsa retirée à la fin de sa vie (film Gaumont)

Fermière, Thérésa meurt dix-huit ans plus tard en mai 1913.

Le mot de la fin revient au critique Touchatout (cité par François Caradec)

«Thérésa a fait école. Beaucoup de grues ont cherché à l'imiter ; mais il est arrivé ce qui arrive toujours en pareil cas : elles n'ont, le plus souvent, réussi qu'à copier ses défauts, et ont créé l'ère funeste des prima-gueula de la chope...»


Yvette Guilbert

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Elle est née à Paris, le 20 janvier 1865 d’un père, Normand alcoolique et d’une mère couturière.
Enfance misérable.
A seize ans, elle est embauchée chez le couturier Hentennart, et six mois après, elle est vendeuse au magasin du Printemps.
Yvette passe sa vie à chanter. Elle n’a pas vraiment de voix mais est persuadée d’avoir un talent de ce côté-là. Elle tente de se lancer. Premiers engagements, en province, elle n’a aucun succès. Elle est loin des vedettes au physique opulent. Elle n’a aucune poitrine !


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En novembre 1885 : elle rencontre Charles Zidler, directeur de l'Hippodrome (et le créateur du Moulin-Rouge) et est engagée dans la tournée d'été des Variétés.


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En 1889 elle passe à l'Eldorado, puis au Casino de Lyon, à l'Eden mais se lasse très vite du répertoire qu'on lui impose. Petit à petit elle trouve et impose sa manière. Robe moulante de velour vert. Gants noirs, cou dégagé.

Elle invente sa silhouette, si caractéristique.

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Elle fait alors la connaissance de Xanrof,

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Xanrof

de Jean Lorrain, d'Aristide Bruant, entre autres, elle développe ce personnage de «diseuse fin de siècle» qu'immortalisera à partir de 1893 Toulouse-Lautrec et qu'elle présentera jusqu'en 1899 sur les scènes du monde (France, Angleterre, Allemagne, États-Unis).


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Gravement malade (à partir de 1900), elle finira quand même par remonter sur scène - elle est au Carnegie Hall de New York en 1906 - plus particulièrement à partir de 1913 (Casino de Nice) mais avec un répertoire tout à fait nouveau, composé essentiellement de chansons plus «littéraires» : poésies anciennes et modernes, chansons du moyen-âge, etc... pour ne mourir que des années plus tard, en 1944, non sans, avant, avoir refait les grandes salles d'Europe et d'Amérique, ouvert une école de chant à Bruxelles, tourné dans divers films, rédigé des chroniques, des mémoires, et cet « Art de chanter une chanson » qui développe son « esthétique » de la chanson, à l’égal d’une Sarah Bernard… fait de la mise en scène, animé des émissions de radio, écrits des livres, des souvenirs...

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Décédée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), elle est inhumée à Paris au cimetière du Père-Lachaise.

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De sa vie, la chanson française (qui lui doit beaucoup) a surtout retenu l'Yvette Guilbert, première époque, celle du «Fiacre» de Xanrof et de «Madame Arthur» de Paul de Kock.
Elle fut, en quelque sorte, le précurseur d’une Juliette Gréco ou d’une Barbara qui, la dernière surtout, n'hésitera pas à reprendre, soixante ans plus tard, quelques-uns de ses succès.


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Document filmique

Aristide Bruant

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Avec Aristide Bruant, nous dévions du Café-Concert (dont il fut l’une des vedettes) vers un autre espace, plus confidentiel, celui du cabaret et, précisément, du cabaret montmartrois…


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Car Montmartre a été, à la fin du XIXe et au début du XXe s un lieu tout à fait à part où la poésie, la peinture, le théâtre, au même titre que la chanson, ont connu un essor tout à fait extraordinaire.
Reprend le Chat-Noir, en 1881, lors de son déménagement, et le baptise Le Mirliton.


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Le Chat Noir fait aujourd’hui partie du patrimoine touristique parisien. C’est un objet de délectation pour les Japonais et les Américains. L’image s’en est incroyablement diffusée, vulgarisée, commercialisée. Patrimoine en grande partie immatériel, puisque les lieux n’existent plus. Mais il reste la butte Montmartre, les peintures de Lautrec, les photographies et les enregistrements…

Typologie

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On a essayé de classer les vedettes du café-concert.
Chaque chanteur a son genre.
- Chez les femmes :
Thérésa était une « romancière comique »
Rose Bordas une « romancière dramatique »  (« la canaille ? Eh bien, j’en suis » 1869)

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Un autre genre est celui des patriotes (les chansons de Déroulède, de Botrel) ou revanchardes (Rose bordas, Joséphine Chrétienno « Alsace-Lorraine, 1871) et surtout Amiati : « le fils de l’Allemand » :


Va, passe ton chemin, ma mamelle est française
N’entre pas sou mon toit, emporte ton enfant
Mes garçons chanteront plus tard la Marseillaise
Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand


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Les diseuses :  Anne Judic créa le genre en 1868, Florence Duparc l’imposa, Yvette Guilbert, immortalisée par Toulouse Lautrec lui donna ses lettres de noblesses.


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Les gommeuses ou épileptiques étaient très prisées, exhibant généreusement leurs jambes et leurs décolletés, elles se trémoussaient grivoisement, tiraient la langue et abusaient d’un arsenal de grimaces.


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Polaire : « Max, Max, ah c’que t’es rigolo
Dans ton costume de tringlot »
42 cm de tour de taille. Amie de Colette « En scène, elle avait une sorte de trépidation nerveuse, un sautillement d’un pied sur l’autre comme un dindon sur une plaque chauffée à blanc ». Mistinguett, un peu plus tard relevera de la même catégorie.

Les pierreuses (ou gigolettes).
Eugénie Buffet. « La sérénade du pavé ». « Sois bonne, ô ma belle inconnue.


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Les jolies filles et demi-mondaines.
Elles ne chantent pas mais elles dansent. La belle Otéro.

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Liane de Pougy (qui finit sœur Marie Madeleine)
Emilienne d’Alençon
Colette…

Les chanteuses de valses : Paulette Darty. Fascination (1905) :

« Je t’ai rencontré simplement
Et tu n’as rien fait
pour chercher à me plaire ».


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Chez les hommes :

Chanteurs à voix (Antoine Renard, compositeur du Temps des Cerises). Bérard « Le train fatal, 1905)

Les gambilleurs. Paulus (« en revenant de la revue », inventa le genre). Il connut un succès jamais atteint. Il se ruina en voulant diriger lui-même des salles.


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Les sentimentaux. (chanteurs de charme). Marius Richard (« la voix des chênes ») ; Emile Mercadier : « quand les lilas refleuriront 1893 »

Les scieurs ou comiques idiots
Joseph Kelm : J’ai un pied qui r’mue (1863)
Dranem, maquillage, costume et croquenots d’auguste imperturbable débitant une logorrhée d’idioties : « Le Trou de mon quai », « les P’tits pois », « la Chanson du bonhome Ambois » (une des premières scies publicitaires)


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Dranem le vrai Jiu-Jitsu, film Gaumont 1905

Le gommeux (Armand Ben, Libert : « l’Amant d’Amanda »

Le comique troupier : Ouvrard (Eloi). 800 chansons : « L’invalide à la tête de bois » (1877)
Polin :
Vincent Scotto : « La Petite Tonkinoise » (1906)

Les comiques épileptiques (Sinoël), paysans (Sulbac), ivrognes (Bourgès),
Les vieux beaux (Baldy),
Les monologuistes (Jules Perrin)

Les fantaisistes de charme (Mayol « Viens poupoule »)

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Felix Mayol, la Polka des Trotins, film Gaumont, 1905

Les chanteurs anglais : Fragson. Un Belge qui fit derrière son piano une carrière internationale. Il meurt abattu par son père.

Hors catégorie : Maurice Chevalier. Commence à l’âge de 12 ans, en 1900. Imitateur de Dranem, il finit par faire une carrière très originale.

Avec Maurice Chevalier, le mari de Mistinguett, on entre évidemment dans une autre période de la chanson. La chanson moderne qu’illustreront aussi Edith Piaf, Charles Trénet et, bientôt, les Juliette Gréco, Brassens, Barbara et autres Mouloudji…

Nous avons entendu quelques très vieux enregistrements sonores. Ils ont plus de 100 ans ! Outre leur piètre qualité technique, on constate que le style vocal et musical nous est devenu bien étranger. Il est probable que pour les générations futures, nos chansons modernes, qu’on pourra parfaitement entendre du fait des progrès techniques, sonneront tout aussi étrangement.
Reste que le XXe siècle apparaîtra alors comme le premier où la performance corporelle, qu’il s’agisse de celle de la voix (grâce au disque) ou du mouvement corporel (grâce au cinéma) aura pu être enregistrée.

Le clairon, 1873, 1874 ou 1875. Chanson créée par Amiati, à l'Eldorado, vers 1873 (l'enregistrement à la SACEM date de 1875). Auteur : Paul Déroulède - Mise en musique par Émile André. version par Henri Weber en 1908

    Paroles :

            

L'air est pur, la route est large,
            Le Clairon sonne la charge,
            Les Zouaves vont chantant,
            Et là-haut sur la colline,
            Dans la forêt qui domine,
            Le Prussien les attend - Variante : "On les guette, on les attends."

            Le Clairon est un vieux brave,
            Et lorsque la lutte est grave,
            C'est un rude compagnon ;
            Il a vu mainte bataille
            Et porte plus d'une entaille,
            Depuis les pieds jusqu'au front.

            Ç'est lui qui guide la fête
            Jamais sa fière trompette
            N'eut un accent plus vainqueur;
            Et de son souffle de flamme,
            L'espérance vient à l'âme,
            Le courage monte au cœur.

            On grimpe, on court, on arrive,
            Et la fusillade est vive,
            Et les Prussiens sont adroits - Variante : "Et les autres sont adroits."
            Quand enfin le cri se jette:
            " En marche! A la baionnette !"
            Et l'on entre sous le bois.

            A la première décharge,
            Le Clairon sonnant la charge
            Tombe frappé sans recours;
            Mais, par un effort suprême,
            Menant le combat quand même,
            Le Clairon sonne toujours.

            Et cependant le sang coule,
            Mais sa main, qui le refoule,
            Suspend un instant la mort,
            Et de sa note affolée
            Précipitant la mélée,
            Le vieux Clairon sonne encor.

            Il est là, couché sur l'herbe,
            Dédaignant, blessé superbe,
            Tout espoir et tout secours;
            Et sur sa lèvre sanglante,
            Gardant sa trompette ardente,
            Il sonne, il sonne toujours.

            Puis, dans la forêt pressée,
            Voyant la charge lancée,
            Et les Zouaves bondir,
            Alors le clairon s'arrête,
            Sa dernière tâche est faite,
            Il achève de mourir.

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Bibliographie :

- Henri Gourdon de Genouilhac, Le Refrain de la Rue, de 1830 à 1870, Paris, Dentu, 1879 

- Pierre Brochon, Béranger et son temps, les classiques du peuple, Editions Sociales, 1956, Paris.
- Les Chansons illustrées, Librairie Contemporaine, Paris
- H. G. Ibels, Demi Cabots, Textes de Georges d’Esparbès, André Ibels, Maurice Lefèvre, Georges Montorgueil, Charpentier et Fasquelle, 1896, Paris
- Jacques Chastenet, La Belle Epoque, Fayard, 1949
- André Sallée et Philippe Chauveau, Music-Hall et Café Concert, Bordas
- Guy Erismann, Histoire de la Chanson, Pierre Waleffe,1967
- Jacques Charles, Le Caf-Conc’, Flammarion 1900 vécu
- Dominique Jando, Histoire mondiale du Music Hall, Jean-Pierre Delarge, 1979
- Concetta Condemi, Les Cafés-concerts, Histoire d’un divertissement, Quai Voltaire Histoire, 1992.
- Olivier Goetz, "le spectacle de la chanson à la Belle Époque", Le Spectaculaire dans les arts de la scène, du Romantisme à la Belle Époque, (sous la direction d'Isabelle Moindrot), CNRS éditions, 2006.

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