"Avant l'aube, avec les larmes de l'âme"
Traduction de quelques chansons rébétiques
(Ematha polla mikro mou)
Eh ! bien, mon petit, j’en apprends de belles !
Est-ce que tu veux me rendre fou ?
Tu as fait des folies au Pirée,
Ma beauté aux yeux noirs ?
Tu as voulu faire ta princesse,
Tu m'as trahie, catin !
Et moi, pauvre diable,
j’ai passé la nuit
à t’attendre ;
je suis resté, en rade !
(To rendevou)
Lorsque tu arrives en retard au rendez-vous,
Je suis en colère contre toi,
Mais dès que j’aperçois tes yeux noirs,
J'oublie tout, ma lumière.
Cela dit, ne me joue plus ce genre de tour,
Petite garce sans pitié,
À moins que tu veuilles
Faire de moi un ivrogne.
À la taverne, jour et nuit,
Je bois jusqu’à plus soif.
Ce sont tes yeux, friponne,
Qui m'ont mis dans cet état.
(Ta ble parathyra )
Autrefois, je te voyais en passant,
Là-haut, derrière les volets ;
Mon regard croisait
Tes sourcils froncés.
Mais tu as changé de quartier,
Et je tourne en rond comme un enragé ;
Le chagrin m’emplit
Et je pleure sans arrêt.
Puis-je espérer te revoir,
un jour, ici-bas ?
Tu es partie, tu m'as laissé
Le cœur en miettes…
Laisse-la, ta maison,
Et reviens habiter dans le quartier !
J'aimerais tant te revoir,
Comme avant, derrière les volets .
(I Naziara)
Minaudière, tu m'as embobiné avec tes salades,
tu as capturé mon cœur avec ta ruse.
Comme un poisson, je me suis fait prendre dans tes filets,
tu as fait de ma vie un esclavage total.
Minaudière, polissonne,
ma poupée adorable,
tu es mon seul désir ;
à mes yeux, tu es le monde entier !
(To minore tis avgis )
Réveille-toi, mon petit, et prête l'oreille
À ce Minorè matinal !
C’est pour toi que je l'ai écrit
Avec les larmes de mon âme.
Ouvre ta fenêtre,
Jette moi un dernier regard
Et puis, laisse-moi m’éteindre, mon petit,
Là, dans un coin, juste devant chez toi…
(To tragoudi tis agapis)
Je vivais seul et sans amour
Environné d’obscurité
Et je passais des soirées sinistres
Dans une maison privée de joie
Aujourd’hui, la vie me sourit
Et tes lèvres que j'embrasse doucement
Sont comme des roses d’avril
Qui m’enivrent d’amour
Viens, buvons ce vin vieux,
Nous pourrons chanter gaiement
La belle chanson de l'amour
Qui est comme une fleur du printemps
(Tis vrochis i stales)
Les premières gouttes commencent à tomber,
Et me voici, assis devant chez toi.
J’aurais voulu y entrer, comme jadis,
Mais tu m'as claqué la porte au nez !
Pourquoi fais-tu ça ?
Pourquoi ne me laisses-tu pas entrer ?
Je fais quoi, moi,
Avec les nuages et le vent ?
Les premières gouttes commencent à tomber,
Et me voici, assis devant chez toi.
Je me demande ce que je t’ai fait ?
Ouvre ! il va pleuvoir pour de bon.
(Anixe giati den antecho)
La fenêtre obscure
Reste obstinément close ;
Pourquoi tu ne l'ouvres pas,
Tête de mule !
J’aimerais tellement te voir !
Ouvre ! Je n'en peux plus,
Tu m'as assez torturé !
Posté dans les courants d'air
Pendant des heures,
J'ai chanté pour toi
Mon cœur s’est embrasé
Et pas même un regard !
( I mana mou me derni )
— Mon chéri, ma mère me bat, tu sais, et ça fait mal
Elle me bat, elle me tue, quand je sors, le soir.
Je te le dis, il faut que tu le saches :
Ma mère me bat parce que je t'aime.
— Bon sang, maman, ne me bats plus !
Je suis folle de lui,
Tu te fatigues pour rien !
Je ne changerai pas d'idée.
Une heure passée entre ses bras,
Suffit pour que j'oublie les coups que tu me donne.
— Je ne changerai pas d'idée, je ne serai pas parjure,
Je quitterai pas l'homme que j'aime.
— Bon sang, maman, tue-moi !
Moi, je me tais,
Toi, tu me donnes des coups,
Et lui me donne de doux baisers !
( Ké giati de mas to les ? )
J’en veux à la mer,
Hélas, hélas !
Et au navire
qui emporta mon amour…
Hélas, Hélas !
Pendant ce temps, d'autres en profitent…
Eh ! pourquoi tu ne nous en parles pas ?
Mon vieux, pourquoi tu ne nous en parles pas ?
Pourquoi tu ne le dis pas
Que tu as de la peine,
Au lieu de pleurer,
Mon vieux, pourquoi tu ne m'ouvres pas,
Mon vieux, pourquoi tu ne m'ouvres pas,
Pourquoi tu ne m'ouvres pas
Au contraire, tu te barricades ?
Maudit soit l'instant, fillette,
Maudite soit l'heure,
Où, dans ce pays, petite,
Je t'ai vue pour la première fois !
(O Giatros)
Ah ! Dites-moi donc où se trouve ce docteur ?
Vous savez bien ! Celui qui guérit les blessures…
Hélas, Docteur !
Hélas !
Qu'il guérisse aussi les miennes !
J’en ai en tellement …
Hélas, Docteur !
Qu'il guérisse les miennes,
Hélas !
J’en ai tellement …
Mes blessures sont énormes,
Hélas, Docteur !
Et elles sont sans remède!
Non, on n'en guérit pas !
Mon amour m'a quitté,
Il est parti au loin.
Hélas, Docteur !
Mon amour m'a quitté,
Il est parti pour les pays lointains.
Hélas, Docteur !
Dites-moi quoi faire,
Je ne me sens pas bien, Docteur,
Hélas !
Mon amour est parti,
Il est parti pour les pays lointains.
Hélas ! Docteur,
Mon amour m'a quitté,
Il est parti pour les pays lointains…
(Ta dio sou chéria)
Tes mains ont ramassé
Des verges pour me battre
Elles ont capturé ma joie
Elles m'ont carbonisé
Elles ont prodigué leurs caresses à un autre
Je ne compte plus pour elles
Avec ces deux mains-là,
Creuse
dans la terre,
Une fosse profonde !
Que je m’y ensevelisse :
Comme ça, je cesserai enfin de te voir
et de souffrir.
(O Chorismos)
Pour chaque douleur et pour chaque peine
il existe un remède,
Mais le chagrin dont je souffre
pas question de le guérir !
Avec le temps, on oublie l'amertume et les tourments,
Mais les yeux qu’on a aimés, comment les oublier ?
Si, pour oublier, tu t’enfuis vers des pays lointains,
Le souvenir t'assaille ; tu pleures en pensant à la séparation.
Reste malade, mon cœur, et baigne dans tes larmes !
Quand tu te sépares de qui tu aimes, dis que tu l’as choisi !
(I Gata)
J'ai chassé ma chatte de chez moi,
Celle qui avait les yeux bleus ;
La nuit, quand je dormais,
Elle plantait ses griffes dans ma chair.
Je l’avais depuis un bon bout de temps
Au début, elle m'obéissait au doigt et à l'œil,
Et puis elle a attrapé des goûts de luxe,
Même du poisson, elle n'en voulait plus.
Donc, je la chasse avec sévérité
Mais, le lendemain, la revoilà !
Elle me revient avec de petits rats
Et recommence à faire la maligne.
Entre temps, moi, j'en avais trouvé une autre,
Plus jolie, et avec des yeux noirs…
Celle-ci, au moins, elle est discrète — comme une chatte ! —
Elle se cache pour casser les assiettes.
(O Passatempos)
Tout ce que tu me dis, je l'écoute sans y croire,
J'en ai soupé de tes mensonges
J'ai compris que, pour toi,
Je ne suis qu’un amuse-gueule, tout juste un passe-temps.
Chacun de tes baiser, désormais, je le trouve amer
Tu ne peux plus adoucir mon chagrin
Quand tu sors avec moi, déloyale,
Pourquoi essaies-tu d'aguicher les autres ?
Va-t-en ! puisque tu veux prendre le large,
Mais cesse de pleurnicher, de murmurer et de geindre !
Et quand tu rencontreras le gars que tu aimeras
Ne t'avise pas de lui dire que j'étais ton passe-temps.
(O Hypnos)
Pourquoi me réveiller, de bon matin,
Dans mon profond sommeil ?
Pourquoi frapper à ma porte ?
Que veux-tu maintenant, que cherches –tu ?
Non, non ! Je ne veux plus que tu m'aimes !
J'en ai assez de tes sarcasmes,
Je t'ai maudite à tout jamais,
Tu es passée dans ma vie,
Tu m'as brisé, tu m'as usé,
Oh, oh ! Tu m'as brisé, tu m'as usé !
En sombrant dans le sommeil
J’avais réussi à oublier
Pourquoi est-ce que tu me réveilles
de bon matin,
En venant frapper la porte ?
Oh, oh ! Je ne veux plus que tu m'aimes !
(Chorissame ena dilino)
Un soir, nous nous sommes séparés
Des larmes plein les yeux ;
Il était écrit que notre amour
Finirait en deux morceaux.
Je pleure en pensant
À toutes les belles soirées
Où tu répandais tout doucement
Serments, caresses et baisers…
Avec un ardent désir,
J'attends, le cœur endolori,
Que tu reviennes, un jour, peut-être,
À nouveau entre mes bras…
(Kapio vradi me fengari)
Un certain soir de lune
J’ai entrapercu tes charmes
Depuis je suis devenu fou
Jour et nuit je te réclame
Où que tu ailles, où que tu ailles
Je sens une odeur de rose
Ta taille est comme une bague
Œil noir, noir sourcil
Ainsi fait, fait, fait
Ta fine taille de guêpe
Je veux la voir et l'admirer
Pour oublier ma soufrance
(Issouna xipoliti)
Tu allais pieds nus, tu rôdais dans les rues
Depuis que tu es as moi, tu réclames des propriétés
Tu allais pieds nus, tu ramassais les pièces de vingt centimes
Depuis que tu es à moi, tu réclames des billets de cent
Tu étais sans un sou, tu ramassais des radis
Depuis que tu es à moi, tu réclames des boucles d'oreilles
Après mille années de prison, j'ai tenu tête à Charon
Je voudrais que tu sois toujours libre avec moi
Tu allais pieds nus, tu nourrissais des coqs
Depuis que tu es à moi, tu réclames des aviateurs
J'ai lancé les dés, résultat : six–cinq
Les flics sont passés, maintenant, c’est cinq - cinq
Tu allais pieds nus, tu ramassais de l'herbe
Depuis que tu es à moi, tu réclames des billets verts
Tu étais, mais que n’étais-tu? une ravaudeuse de vieux sacs
Depuis que tu es à moi, tu réclames des bonnes manières
Tu étais, mais que n’étais-tu ? une voleuse de biscottes
Depuis que tu es à moi, tu réclames des bonnes manières
Tu allais pieds nus, tu ramassais des radis
Depuis que tu es à moi, tu réclames des cosmétiques
Tu allais pieds nus, tu marchais dans la boue
Depuis que tu es à moi, tu réclames de blanches socquettes
(Manaki mou, manaki mou)
Petite mère, petite mère
j'ai mal à ma petite tête
Petite mère, bon sang de bon sang !
Crois-tu que tu trouveras jamais
un caïd de mon acabit ?
Pourquoi est-ce que tu me tiens tête ?
Si tu t'imagines que j'ai peur de toi !
Là où tu vas, là où tu vas,
là où tu vas, n'y retourne pas !
Là où tu vas, n'y retourne pas
tu y perdrais le ciboulot !
J'ai perdu mon manteau
Dans un moment d’inattention
Monsieur l'agent, ne frappe pas !
Ç'est pas ma faute, si je suis un pauvre gars.
(Chronia stin Troumba)
Des années à Troumba , caïd et vadrouilleur
Renseigne-toi avant de me prendre
Des années au Pirée, caïd et vadrouilleur
Je suis un type malin, un joueur de bouzouki
Tout le monde m'aime bien, car je suis de Syros
Je suis un petit malin, un joueur bouzouki
Sur la place où j'ai grandi, tout le monde m'a reluqué
Je suis un caïd, un malin, bien sous tout rapport
Sur la place où j'ai grandi, tout le monde m'a reluqué
Les caïds m'estiment et me respectent
Quand je me radine, ils se mettent au garde à vous,
Les caïds m'estiment et me respectent.
(To poniro monopati)
Dans la vie, beaucoup de routes s’ouvrent devant toi,
Tu empruntes celle qui te convient,
Mais elle te conduit où elle veut !
Et il existe aussi un sentier tordu
qui conduit tout droit au ravin.
Un soir, si tu empruntes ce sentier-là,
Tu quittes pour toujours le droit chemin
Tu tailles un cœur en charpie,
Pour en habiller un autre corps
Arrivé là, Dieu lui-même oublie que tu existes,
Tu vas et tu viens et il n’y a personne pour pleurer…
Un déchet supplémentaire, pardi !
Sur le sentier tordu de la vie !
(Pente chronia dikasmenos)
— Salut, mon brave Stellaki
— Salut et joie, mon cher Vangelli. Oh ! Mais je vois que tu tiens quelque chose ?
— Un narguilé.
— Un narguilé !!!
— Eh ! oui, un narguilé… Qu'est-ce que tu voudrais que je tienne, un paquebot transatlantique ?
— Mais, mon vieux, chaque fois que je tombe sur toi, tu es avec ton narguilé…
— Ah, c’est vrai ! Mais si tu savais tous mes soucis et mes chagrins, tu ne me le reprocherais pas…
— Eh bien, tu ne veux pas en parler ? Raconte !…
— Écoute-moi bien, mon vieux Vangells, tu vas peut-être me consoler :
Condamné cinq ans à la prison de Genti Koulès
Le chagrin m'a fait plonger dans le narguilé
Souffle, tire, aspire bien
Tasse-le et allume-le
Et surveille bien si les flics n'arrivent pas !
Les cinq années suivantes, tu m'avais oublié
Pour me consoler, les caïds me préparaient un narguilé
Souffle, tire, aspire bien
Tasse-le et allume-le
Et surveille bien si les flics n'arrivent pas
!
Maintenant que je suis sorti de Genti Koulés
Remplis le narguilé, mon bon, nous allons le fumer ensemble
— Tire un coup, toi aussi, Vangelli !
— Je vois que tu avais raison mon petit Stellaki…
— À la tienne, mon derviche Stellaki, tu nous as fait un beau récit
— À la tienne aussi, Ianni, avec le violon…
— Je fumerai jusqu'à plus soif aujourd'hui encore…
— Salut à toi, Margaroni !
(O Nikolas, o psaras)
Les chalutiers
sont rentrés de bon matin
Seul le pécheur Nicolas
n’a pas encore paru
Sur la terre ferme
Devant le rivage, de noir vêtue
Se tient une mère inquiète.
Elle est inquiète
La mère du pécheur Nicolas.
On se demande qui ira lui parler,
qui lui dira
Que Nicolas s'est noyé,
qu'il ne reviendra pas
Sur la terre ferme.
Des mois sont passés, et encore des mois
et la mère de Nicolas
l'espoir au cœur
attend toujours,
Sur la terre ferme.
(Ftochobouzouko)
Avec mon pauvre bouzouki
Je chante mon chagrin.
Je n’arrive pas à oublier une femme,
Depuis qu'elle est partie
La tristesse me submerge
Mes larmes coulent à flot.
Elle m'a laissé seul
au monde,
Elle ne reviendra pas
Je joue avec entrain
sur mon pauvre bouzouki
Et je lui dis : regarde comme le sort m'a frappé !
Alors, il me regarde aussi, compatissant ;
Est-ce sa faute, le pauvre, si je lui casse les cordes ?
Je tiens mon bouzouki
et je lui demande, affligé :
- Que puis-je faire ? petit bouzouki, dis-moi !
Et il me répond : Tu veux vivre ?
Trouve un autre amour,
Et ton chagrin, noie-le dans le vin !
(To Kapilio)
La nuit est glaciale,
La pluie tombe doucement,
Mais au coin, juste en face,
Le troquet du quartier reste allumé
Un ivrogne sans le sou
Est assis là, il médite,
Devant de la taverne,
Sur une marche basse.
Il voudrait bien entrer
Et commander à boire,
Mais le troquet est pauvre,
Il ne lui fait plus crédit.
(Enas Magkas sto Votaniko)
C’est un caïd de Votaniko
Il part au quart de tour
Ddans les bouzoukia, les cabarets
Il règne sur tout le territoire.
Lorsqu’il se met à fumer
Qu’il commence à partir
Dans les fumées du narguilé
Il s’éprend de la belle Angello
C’est un caïd, un dur à cuire
Le plus grand crâneur de Votaniko
Et comme il force le respect
Rien ne peut lui résister
Lorsqu’il se met à fumer
Qu’il commence à partir
Dans les fumées du narguilé
Il s’éprend de la belle Angello
(Kato sta Lemonadika)
Dans le quartier de Lemonadika
Il y a eu du tintouin
On a pincé deux voleurs à la tire
Qui faisaient les malins
On leur a passé les menottes
Et conduits à la prison
Si on ne retrouve pas les portefeuilles
Ils vont passer un mauvais quart d’heure
Monsieur l’agent, ne frappez pas,
Vous le savez bien
Que c’est ça, notre boulot
Faut pas chercher midi à quatorze heures !
Nous, nous vivons de rapine
Nous piquons des portefeuilles
C’est pourquoi elles nous connaissent, allez !
Les portes de la prison…