Regarde, mais pas touche !
La note précédente m’ayant valu plusieurs commentaires et réclamations, je me dois d’ajouter quelque chose.
Concernant l’exposition de Delme, je n’ai
jamais dit que Gianni Motti était antisémite, encore moins que le Centre d’Art l’était.
Je m’intéresse à la question de la réception, à la construction du sens
dans toute démarche signifiante, à la manière
dont « le regardeur fait le tableau ». Si j’ai cru déceler, dans ma propre réaction, des
réminiscence de clichés et de stéréotypes liés à l’association d'un lieu de culte
juif (en l’occurrence désaffecté et transformé en centre d’art) et de la monstration de l’argent, ça ne regarde que moi et c'est moi qu'il faut incriminer (ce que je fais à la fin de mon commentaire).
Cette lecture était possible, puisque je l’ai faite. Je ne vois pas pourquoi je devrais la censurer. Le seul reproche que je fais au projet est de n’avoir pas prévu qu'une telle réaction, qu'un tel réflexe - stupide, je veux bien - était possible… Je crois qu'on encourt ce risque dès lors qu'on transpose purement et simplement une idée liée à un lieu dans un autre lieu dont on ne prend pas en compte la spécificité. C'est-à-dire qu'on se comporte alors comme n'importe quel artiste qui accroche un tableau dans un white cube, ce que n'est pas le centre d'art de Delme. J’entends bien qu’il soit possible de nier la symbolique religieuse de la synagogue de Delme, puisqu'il ne s'agit plus une synagogue, mais le fait d’y faire tomber une pluie de dollars réactive justement, à mes yeux du moins, sa symbolique primitive. Comme un retour du refoulé, en somme.
Et lorsque je parle
d’acte inconscient, je ne veux pas dire que l’artiste serait
inconsciemment antisémite, ni les commissaires qui l’invitent. C’est bien de
mon inconscient qu’il est question, et que j’essaie, dans ce blog (sinon
où ?) de rendre public. Au risque de me faire mal voir ou mal comprendre.
On me dit, par ailleurs, que cette exposition ne coûte pas un centime
d’euros et que cet argent qui est
donné à voir retournera dans le compte en banque du Centre d’art après
l’exposition. C’est une précision importante que je suis heureux de la fournir
aux dix lecteurs de mon blog.
On me dit également que Henri Verneuil n’est pas un
réalisateur de série B. À vrai dire, je n’ai jamais très bien su ce qu’on
appelle un film de série B. Je n’ai aucun mépris pour ce genre de films. Au contraire. Je ne
crois pas que le fait d’être « universitaire » (cf commentaire publié
à la fin de l’article) ait la moindre importance. En tant qu'universitaire, je travaille précisément sur des objets décriés par la culture universitaire (le théâtre de la Belle Époque, les productions culturelles des minorités, etc.) Je faisais juste remarquer que
la jubilation qu’on ressent à Delme (car, encore une fois, je n'ai rien contre cette exposition) s’apparente à celle que je ressens, au cinéma,
quand une grande masse de billets de banque est dispersée, suite à un casse qui tourne mal, Un plaisir très "esthétique" (dans le sens le plus classique du terme), puisqu’il n’est pas question d’attraper
le moindre de ces billets qui ne sont jamais que donnés à voir. Regarde, mais
pas touche !